Deuxième séjour à Niamey. La première fois, j'avais été malade.

mercredi 29 décembre 2010

Niamey-Cotonou


La semaine dernière, Marie et moi sommes partis passer une semaine à Cotonou, au Bénin. Niamey-Cotonou : 1000 km. Dépourvus de voiture, nous avons opté pour le bus, c’est moins cher que l’avion et ça nous évite de passer une nuit d’escale dans un aéroport. Comme je suis sûr que vous nous enviez, je vais essayer de vous faire vivre au plus près notre voyage.
Levez-vous d’abord à 3 heures du matin pour être sûr d’être à l’heure pour le bus. Prenez un petit-déjeuner succinct. À 4 heures, vous êtes fin prêt. Attendez une demi-heure. Puis une autre. Allez, ne mégotons pas, attendez encore une heure de plus. Ça y est, le chauffeur manquant est arrivé. (Je ne sais pas pourquoi, chaque fois que je dois prendre un bus, je me présente à l’heure en sachant pertinemment que jamais, au grand jamais, le bus ne partira à l’heure).
C’est parti ! Asseyez-vous sur votre chaise, face à un mur. Rapprochez-vous du mur, jusqu’à ce que votre dos bien droit touche le dossier et que vos genoux touchent le mur. Ça y est, vous ne pouvez plus faire de mouvements d’avant en arrière ? Alors, on peut rouler maintenant.
Malheureusement, votre dossier ne monte pas jusqu’à la tête, je crains que pour dormir, il faille laisser pendre la tête en avant ou en arrière. Je sais, l’un et l’autre sont inconfortables, il va cependant falloir faire un choix à un moment donné. L’alternance est à mon avis le meilleur compromis : on penche le cou en avant, on essaie de s’assoupir, et cinq minutes plus tard, comme ça fait un peu mal, on penche en arrière.
S’il fait froid dehors, ouvrez la fenêtre sans trop vous couvrir, et attendez trois heures assis sur votre chaise, bien serré, et ne vous couvrez pas trop. Une fenêtre à l’avant du bus est cassée, le vent s’engouffre, et vous n’avez emporté que le petit pull que vous aviez, et c’est malgré tout la saison froide, 15° le matin.
Une fois les trois heures passées, fermez la fenêtre. Enfilez deux pulls, et mettez le chauffage à fond. La saison froide ne concerne que le matin. La journée, il fait ses 30° habituels. Hélas, la fenêtre cassée ne vous apporte plus de vent puisque tout un tas de personnes sont montées et se sont installées dans l’allée, permettant à la fois de bloquer le vent et de réchauffer agréablement l’atmosphère. Remarquez que vous êtes tout de même content, vous, d’être assis sur un siège. Vous êtes aussi malgré tout content de ne pas être juste à côté de la vitre cassée. Vous êtes reparti pour deux heures, jusqu’à la fin de la bonne route. Vous ne le savez pas encore, mais vous avez mangé votre pain blanc. Une fois ces deux heures passées, vous aurez le droit de vous lever pour vous dégourdir les jambes.
Il est 11 heures. Regonflé par ces 5 minutes de pause, vous êtes prêt à attaquer la suite. De toute façon, vous n’en avez que pour jusqu’à 18 heures. Pour attaquer la mauvaise route, celle avec des trous, vous allez avoir besoin d’un comparse. Celui-ci est chargé de vous pousser de manière impromptue à droite ou à gauche, à des intervalles variables allant de 5 à 20 secondes. Attention, ce comparse doit être assez habile pour vous faire croire que vous allez verser, mais en fait, non, c’était juste une impression. Ce comparse doit également vous soulever parfois en l’air, ou vous pousser en avant. C’est là où le pull que vous avez amené va sauver vos genoux : coincez-le entre vos genoux et le mur, ça atténuera les chocs.
L’ennui c’est qu’avec ce comparse, vous ne pourrez ni lire, ni dormir, et ce pendant quelques heures. Continuez ainsi jusqu’à 18 heures, la fourchette basse de l’heure d’arrivée, en vous dégourdissant les jambes toutes les 3 heures, 15 minutes à l’heure du repas, plus une petite marche de 5 minutes pour traverser le no-man’s-land de la frontière. Parfois, votre comparse doit arrêter de vous secouer pendant un quart d’heure, puis doit recommencer.
À 18 heures, vous vous rappelez que vous êtes parti avec du retard, et vous acceptez résigné le fait que votre heure d’arrivée sera plus proche de la fourchette haute qu’on vous a donnée, soit 21 heures.
À 21 heures, levez-vous, achetez du riz avec de la sauce, et faites-vous à l’idée que ce n’est toujours pas à Cotonou, mais à une ville du nom de Parakou que vous êtes arrivé. Les informations que vous glanez ici et là ne sont guère réjouissantes : la nouvelle fourchette d’heure d’arrivée se situe entre 3 heures et 5 heures du matin. Mettez de l’eau à bouillir, ça humidifiera l’atmosphère : vous êtes au Bénin, la température ne descendra pas vraiment, mais il fera humide. Soupirez avant de vous rassoir exactement comme vous avez été assis toute la journée.
L’avantage, maintenant, est que la fatigue aidant, la douleur au cou ne vous réveille plus qu’à des intervalles un peu plus longs, de l’ordre de toutes les 10 minutes, voire tous les quarts d’heure. Pour soulager vos nerfs, vous avez le droit d’insulter en vous-même le chauffeur qui s’est trompé de route, ou le policier ou douanier ou je-ne-sais-qui revêtu d’un uniforme qui fait patienter le bus, retardant d’autant l’heure d’arrivée. Attention, votre comparse ne doit pas aller dormir, il continue à vous secouer.
A cinq heures, vous avez le droit de verser quelques larmes en constatant que vous n’êtes pas arrivé, mais la bonne nouvelle est que votre comparse a fini son travail. Arrêtez de faire des suppositions quant à l’heure d’arrivée, ça ne sert à rien, vous arriverez quand vous arriverez.
A sept heures du matin, levez-vous, vous êtes à Cotonou, on vient même vous chercher. Vous dormirez toute la journée, puis vous essaierez de vous faire à l’idée que 5 jours plus tard, il faudra recommencer dans l’autre sens.


PS : Pour être tout à fait juste, il faudra modifier un peu le retour : le dossier montera jusqu’à votre tête, vous permettant de vous assoupir, et vous ne resterez sur votre chaise que 21 heures. En revanche, il faudra vous procurer et vous passer un disque de chants de Noël comprenant Oh Tanenbaum et l’Ave Maria de Luis Mariano (si, si).