Deuxième séjour à Niamey. La première fois, j'avais été malade.

vendredi 26 octobre 2007

oral, oraux



J'ai passé mercredi soir l'oral de suédois. J'étais fin prêt et m'étais habillé en conséquence puisque la prof a l'habitude de nous demander de nommer les vêtements que l'on porte. Donc ce jour-là, jean et tee-shirt, ça se dit pareil en suédois.
L'oral se passait en classe entière, la prof nous posait quelques questions à tout de rôle : Comment ça va aujourdh'ui ? T'as bien mangé ? À quelle heure tu t'es levé ? Et nous de décrire toute notre journée d'hier par le menu. Enfin toute... disons que généralement on disait qu'on avait mangé des köttbullar avec des spaghetti, et puis éventuellement pour les plus avancés en langue suédoise ce qu'on avait bu avec ça. Sauf pour un des Polonais, qui répondait, d'après ce que j'ai compris, à la question "ta journée d'hier s'est bien passée ?", et qui, emporté par son élan, a décliné toute sa journée, de son jogging du matin à sa soirée télé, en passant par les patates qu'il avaient mangées, combien il était heureux d'être ici, et que si ça ne nous dérangeait pas il voudrait bien parler un peu de la situation géopolitique actuelle qui le préoccupe en ce moment. Voilà comment on ridiculise d'un coup 25 étudiants tout justes capables d'aligner un pronom et un verbe.
Personnellement, j'ai échoué quand elle nous a lu un texte, et puis après est venue nous narguer en nous posant des questions impossibles.
- Alors, Pascal, reumeugneumeugneu ?
- Euh, excusez-moi, kan du repeterar ? (un peu angoissé)
- (en articulant distinctement) Reu-meu-gneu-meu-gneu ?
- (carrément angoissé, c'est pas facile, je vais essayer de répéter pour faire croire que j'ai compris) euh... neuneuneuneune ?
- Non, non : reumeugneumeugneu ?
- (au bord de la crise cardiaque, et dans un silence de mort) ...
- Bon c'est pas grave on va aller torturer quelqu'un d'autre.
- Pfiouuu...

J'ai quand même réussi à l'avoir cet examen, contre toute attente. Maintenant il ne me reste plus qu'à apprendre pour l'écrit les verbes irréguliers du quatrième groupe, qui, je ne sais pas pourquoi, ne veulent pas rentrer.


PS : Peu de chances que je poste cette semaine. Je serai notamment à Stockholm en galante compagnie :-)

dimanche 21 octobre 2007

Lycée de Vänersborg, vendredi, 2h00 pm


Le sujet du jour de mes lycéens : la cuisine française. Avec Anette la professeur de français , qui est accessoirement également professeur d'anglais et d'espagnol, nous avions arrêté nos choix sur un menu complet. La difficulté avait été de trouver des plats typiques, pas chers et faciles à faire, faciles parce que je ne sais pas si vous avez pu observer un spécimen lycéen récemment, mais il est courant que ceux-ci sachent à peine casser des œufs. Dans ces conditions, cuisiner une pièce montée n'était intéressant que si je voulais me moquer à peu de frais.
Nos choix se sont arrêtés sur :
- œuf mimosa,
- gratin dauphinois, accompagné d'haricots verts et de rosbeef,
- brie et camembert, mais sans vin rouge*
- gâteau au chocolat

Les lycéens sont arrivés dans la cuisine par grappes entre 14h00 et 16h00, et j'ai pu laisser libres cours à mes désirs de dictateur, inassouvis jusque-là ; je leur ai donnés des ordres pendant deux heures, un peu comme un adjudant chef :
"- Dis donc, Niels, essaie de prendre plus d'une tranche de pomme de terre quand tu les disposes dans le plat, il y en a 4 kilos et on n'a pas toute la vie non plus.
- Ben Erik, fais pas cette tête, t'as jamais vu d'haricots verts ou quoi ? Si si, tu vas voir, c'est facile à équeuter.
- Oui oui je sais, Hannah, ce n'est pas facile de couper un camembert en 20 parts égales, surtout s'il est coulant."
Pour être honnête, il fallait parfois que je mime en même temps afin d'être sûr de ne pas avoir un gratin trop salé par exemple.
Anette était elle aussi disposée à s'amuser un peu. Toutes les trois minutes, un élève venait lui demander, en suédois bien sûr, s'il fallait faire comme ci ou comme ça. Elle répondait invariablement par "Va demander à Pascal !" Le lycéen alors levait invariablement les yeux au ciel, soupirait, et se dirigeait sans enthousiasme vers moi pour me poser une question dans un français rigolo. Cela dit, j'avais quand même la pression parce qu'il fallait diriger une horde de cuisiniers plus ou moins doués, dans un timing assez serré, et le résultat devait être suffisamment bon pour que l'honneur de mon pays soit sauf.

Finalement l'honneur fut sauf malgré le gratin pas assez cuit, mais je dois avouer que la difficulté principale fut de s'envoyer un repas complet à quatre heures de l'après-midi.



*les conditions pour boire de l'alcool sont assez drastiques ici, si vous voulez en savoir plus, vous pouvez toujours aller voir le post de Louline sur le systembolaget, c'est dans mes liens.

mercredi 17 octobre 2007

Les Suédois sont des feignants


On m'avait dit que les Suédois étaient sérieux et travailleurs, et ben c'est pas vrai, c'est des feignants, ils n'ouvrent même pas leur portes eux-mêmes et préfèrent déleguer. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour que la porte s'ouvre mécaniquement, bouton dont vous pouvez voir un exemple sur la photo jointe (le gros bouton gris). La première fois que j'ai été confronté à ce genre de machine, j'avais rendez vous de l'autre côté de la porte à 9h00 précises, et j'avais beau attraper la poignée et tirer de toutes mes forces, le pied contre le mur, rien ne bougeait. Ce n'est qu'après 5 minutes d'effort qu'un autochtone m'a tapé sur l'épaule, a regardé d'un air narquois mes gouttes de sueur et ma face rougeaude mais digne. Il a alors appuyé d'un doigt nonchalant sur le gros bouton à côté de la porte, qui s'est ouverte un peu comme dans Star Trek. Non contents d'être des feignants, ils me ridiculisent en plus.
Bon, à leur décharge, c'est vrai que l'habitude se prend vite : la porte est fermée, je suis fatigué d'avoir tant travaillé (hum hum), hop, une poussée légère sur cette merveille de technologie. J'ai même vu des boutons blindés au lycée, un plaque de métal les recouvre. Après quelques minutes dubitatives puis réflexives, j'en suis arrivé à la conclusion que ce doit être pour calmer l'ardeur des lycéens qui, emportés par toute l'énergie qui caractérise les adolescents, doivent avoir explosé plus d'une fois cette fantastique machine.

vendredi 12 octobre 2007

Frisör


Je ne sais pas vous, mais j'ai de gros problèmes de communication avec les coiffeurs. J'ai beau bien préparer mon texte décrivant soigneusement la coiffure désirée, choisir les mots avec le plus grand soin, l'apprendre par coeur, rien n'y fait. Une fois assis dans le fauteuil moelleux devant la glace, je débite sans faute l'explication préparée, et je vois bien à l'œil vide de la coiffeuse qu'elle n'a absolument rien compris de ce que je viens de lui dire, elle fait le même œil que mes lycéens suédois quand je leur parle. À ce moment-là, généralement, soit la coiffeuse est patiente et essaie de reformuler mon texte si joliment tourné pourtant, ou alors elle s'énerve franchement. La dernière fois, j'ai cru y laisser ma vie, j'étais à deux doigts de me lever et de partir en courant quand j'ai vu qu'elle était furax de passer un quart d'heure à discuter de la quintessence de ma coupe de cheveux, et qu'elle cherchait l'objet le plus proche et le plus contondant, à savoir un sèche-cheveux. Alors évidemment, à la fin, il ne faut pas s'attendre à avoir une coupe aussi belle que celle d'Elton John, j'en ai pris mon parti.
C'est pourquoi j'appréhendais la rencontre avec un coiffeur suédois. Je repoussais sans cesse avec des prétextes fallacieux le moment fatidique, mais j'ai dû me résigner quand je me suis aperçu que je venais de faire le même tic que lorsque j'étais adolescent, celui qui énervait tant ma mère, ce tic qui consiste à avancer la lèvre inférieure et souffler un bon coup en direction du front, ce qui permet de pousser la mèche qui est juste devant les yeux. La mort dans l'âme, j'ai choisi un coiffeur au hasard, et j'ai pris rendez-vous.
Je n'ai même pas appris une liste de vocabulaire, même pas préparé mon texte, même pas révisé le conditionnel et les modaux, un peu comme si je savais que de toutes façons j'en ressortirai ridiculisé. Eh bien figurez-vous que contre toute attente c'est la plus fantastique coiffure que j'ai jamais eue (NB : modérons nos propos, je ne parle que d'une coupe tout ce qu'il y a de plus classique, courte mais pas trop et dégagée sur les oreilles.) Comment cela se fait-ce ? Le coiffeur suédois, d'une amabilité toute suédoise, ne s'est pas énervé. Il a écouté patiemment mon laïus en anglais, puis m'a posé quelques questions : un peu moins long ? Plus dégagé ? Quel temps a t-il fait cet été en France ? Il m'a conseillé comme un vrai professionnel, et je suis ressorti le sourire aux lèvres, la dent brillante et du gel dans les cheveux.
J'ai également une autre explication de cette réussite prouvant la supériorité du coiffeur suédois sur le coiffeur français. En France, je cherche à préciser au maximum, grâce à des images subtilement choisies, du genre "imaginez-moi courant sur la lande déserte, le vent dans les cheveux, éventuellement nu", alors qu'ici, à cause de mon niveau d'anglais, je suis allé au plus simple : sujet-verbe-complément, OK ? Pas de métaphore, pas de poésie, du fon-ctio-nnel.
Pour ceux qui sont intéressés, c'est à côté du Drottningtorget, la rue qui monte, et je vous mets une photo pour que vous le reconnaissiez. C'est cher mais la qualité suédoise est à ce prix.

lundi 8 octobre 2007

Ibsen et Osthøvel


Vous raconterai-je ce week-end à Oslo ? Vous raconterai-je ce train et son contrôleur si affable capable de vous vendre un ticket à l'intérieur du train, grâce à une astucieuse imprimante de la taille d'un téléphone accrochée à sa ceinture, et le tout sans surtaxe, et qui à la fin du voyage passe dans les rangées avec son sac poubelle ? Vous raconterai-je ces tours qui ressemblent à La Défense, qui y ressemblent tellement que je me demande pourquoi je suis venu ici alors qu'on a les mêmes chez nous ? Vous raconterai-je ce si typique petit restaurant mongol qui distribue la carte avec des cases à cocher : épicé, très épicé, pas du tout épicé ? Vous raconterai-je ces pièces de monnaie trouées au milieu, on se demande bien pourquoi, si vous le savez n'hésitez pas à m'en faire part ? Vous raconterai-je la passion manifestement immodérée des Norvégiens pour les statues, en bronze et en pierre, seule au coin de la rue et par groupe de 200, posée à même le sol ou sur un piédestal, figurant des hommes ou des animaux, des tigres ou des chiens, grise ou colorée, enfin bref tout ce qui peut passer par la tête d'un sculpteur qui se demande bien ce qu'il va sculpter parce que ses collègues ont déjà pris toutes les idées ? Vous raconterai-je les innombrables blagues toutes plus idiotes les unes que les autres qu'on peut faire sur la reine ou le roi de Norvège, blagues d'autant plus idiotes qu' on n'est pas exposé soi-même à la moquerie parce qu'on n'a pas de roi ? Vous raconterai-je l'inépuisable sujet de conversation du coût de la vie à Oslo qui vous fait apprécier comme jamais un hamburger ? Vous raconterai-je l'impolitesse délibérée des français qui n'en ont absolument rien à faire que quelqu'un essaie de dormir dans la chambre, surtout s'il est italien, quoi qu'esse t'as, fais gaffe on a un viking et un turque avec nous ? Vous raconterai-je ce soleil magnifique et décevant parce que merde la Norvège c'est pas fait pour bronzer ? Vous raconterai-je ces kilomètres parcourus à pied alors que j'ai une douloureuse tendinite au pied droit, de toutes façons tout le monde s'en fout ? Vous raconterai-je ce pauvre soldat norvégien qui a choisi de porter les armes pour défendre son pays et qui se retrouve devant le palais royal à arpenter durant des heures dix pas en levant les genoux, demi-tour, dix pas, demi-tour, etc. tandis que son collègue qui lui avait choisi l'armée pour le prestige de l'uniforme se retrouve avec un chapeau ridicule sur la tête ? Vous raconterai-je le livre que j'ai tenté de lire dans le train du retour, livre profondément ennuyeux où le personnage, après la sieste, ouvre les yeux pendant dix pages ? Vous raconterai-je la remarque vexante d'Ozan le Turque à qui je racontais cela et qui m'a dit "bah en fait c'est un peu comme un film français" ?
Non finalement, je ne crois pas que je vais vous raconter.

jeudi 4 octobre 2007

Métacognition


Beaucoup m'ont demandé "et l'anglais, ça va ?" Euh oui, l'anglais ça va. Je ne parlerai pas tout de suite du suédois, parce que je ne saurais vraiment pas quoi répondre à "Et le suédois, ça va ?"
Pour être honnête, le premier jour, je me suis retrouvé face à une coordinatrice d'université débordée qui expliquait tout à la vitesse d'une mitraillette. Ce fut l'heure où on regrette d'avoir manqué l'école, et plus particulièrement les cours de langues. Au début, tu fronces les sourcils, tu réactives ces neurones un peu poussiéreux que tu as remisés au fin fond de ton cerveau, tu les époussettes, tu te dis "oh mais ça peut encore servir ça, ils sont presque neufs !" Presque neufs peut-être, mais pas très musclés. Accroché à un radeau à la dérive, j'ai quand même saisi quelques mots tels que "clés", "formulaire", "cours" et autres joyeusetés. Pas de quoi faire une vraie conversation, mais au moins j'avais compris que ça, oui, c'était mon lit, que je pouvais me détendre et arrêter de transpirer d'angoisse parce que j'étais en sécurité ici.

Scientifiquement, c'est extrêmement intéressant d'observer les changements mentaux qui s'opèrent. Je me suis pris comme objet d'étude parce que je n'avais que ça sous la main, et que c'était le spécimen le plus pratique à étudier.
Peu à peu, s'est développée une excroissance dans mon cerveau, excroissance que je ne contrôle absolument pas, et excroissance qui tient absolument à traduire toutes les pensées qui me passent par la tête. Je m'explique : je suis dans ma chambre, et je la compare avec celles des copains : "Tiens, pourquoi j'ai pas le droit d'avoir des étagères dans ma chambre, moi ?" - hop traduction simultanée : "well, why i haven't the right to have...... mince comment qu'on dit 'étagères' déjà..." Ça n'a l'air de rien mais à la longue, c'est épuisant, d'autant plus que je buggue chaque fois que le mot me manque. Si mon cerveau ne trouve pas la traduction, il s'arrête de fonctionner normalement et continue à chercher ad libidum, et il faut rebooter manuellement. Or j'ai deux handicaps :
- celui d'avoir un gouffre, que dis-je un précipice d'ignorance vocabulairesque, malgré le visionnage assidu de "Lost" et autres "Prison Break" (ce que j'en ai malheureusement retenu, c'est des phrases du style "What's wrong with you, Jack ?" et ce n'est pas facile à caser dans la conversation.)
- avoir une mémoire de poisson rouge pour les langues étrangères. Ça ne date pas d'hier, ça a commencé en même temps dès l'apprentissage de l'allemand en 6eme (Montag, Dienstag et après j'ai tout oublié, 12 ans d'efforts pour ce résultat, c'est à pleurer.)
Autant dire que je n'ai pas défroncé les sourcils pendant 2 semaines, je parlais tout seul dans la rue, mais maintenant ça va mieux, je réussis à contrôler un peu plus la machine et malgré tout il y a quand même un peu de vocabulaire qui arrive à passer entre les barbelés de protection mentale.

Quant à la conversation, je vous dirai ce qu'il en est un peu plus tard...