Deuxième séjour à Niamey. La première fois, j'avais été malade.

vendredi 11 janvier 2008

Brel


Ce midi, je suis allé prendre un café au Bistrot-marchand de tabac-pmu. J’ai une tendresse que je m’explique mal pour ce genre d’établissement. Ce n’est absolument pas de la nostalgie puisque celui-ci est tout ce qu’il y a de plus moderne : on y trouve du faux marbre plastique posé l’année dernière, des télés égrenant les résultats de jeux, tiercés et autres, la radio, les néons jaunes et bleus, les tables en plastique, les habitués.
Ces mêmes habitués, au nombre de trois ou quatre, m’ont impressionné ce midi, lorsque je suis allé prendre mon café. La conversation était peu animée, pour ne pas dire inexistante, on ne parlait ni de Sarko, ni de l’interdiction de fumer dans les bars, non, on ne parlait pas. Ce silence amenait chez eux une sorte de léthargie, ils étaient simplement là, accoudés au comptoir, et ils attendaient. La radio, certainement Radio Nostalgie, diffusait ses titres nostalgiques (Pourtant que la montagne est belle, Kazatchok, etc.) Puis, on a entendu Brel "Ce soir j’attends …" et au moment où il allait chanter "Madeleine, tous nos habitués, comme un seul homme, ont levé la tête, ont dit "Madeleine", et puis l’ont baissée.
Moi j’étais en face, je ne les avais pas vus ouvrir la bouche depuis au moins dix minutes, et ils ne l’ont pas ouverte non plus par la suite. C’est beau, non ? Brel est vivant, je l’ai vu ce midi.

jeudi 3 janvier 2008

Pâtisserie


Hier, au repas, je me suis intéressé je ne sais pourquoi, aux emballages des divers aliments qui étaient sur la table, un peu comme quand j'étais petit, quand je lisais la composition du banania sur le côté de la boîte jaune. La conversation n'était pas en effet des plus vivantes, le calme, la vie qui coule : aucune musique, juste le son des fourchettées qu'on mâche, on prend un peu de purée, on se dit qu'elle est bonne cette purée, tiens, les miettes forment un dessin bizarre, bref, on arrête la machine, et ça c'est bon.
Toujours est-il que j'ai entrepris d'étudier avec attention les emballages cartons, et en définitive c'est une mine. Il y avait par exemple une boîte de biscuits chocolat-citron pas très bons. À côté des traditionnels ingrédients plus ou moins naturels (plutôt pas naturel en fait), un marketingeur fou avait entrepris de résumer l'histoire de la pâtisserie en quatre lignes. Je comprends bien sa logique à lui "ils veulent de l'authentique ? Allez, je vais leur en donner, moi, de l'authentique." Et hop, pas du tout rebuté par l'ampleur de la tâche, il a entrepris de lire tout ce qui se faisait sur la question, écrivant à tous les universitaires de part le monde qui travaillent depuis des dizaines d'années sur la patisserie à travers les âges, s'arrêtant parfois sur telle ou telle anecdote. Ha bon, le baba au rhum a été inventé à partir d'une brioche desséchée par un voyage sous Louis XV? Eh chérie : tu savais que les macarons viennent de la Renaissance italienne ? Non, elle ne savait pas, et au vu de sa tête consternée, elle s'en fiche royalement. Enfin toujours est-il que notre marketingeur est un bourreau de travail puisqu'au terme de ses recherches et de son travail d'écriture et d'orfèvrerie, il est arrivé jusqu'à ces merveilleuses lignes, bouleversantes de simplicité :
Au Moyen-Âge, c'était (sic) les boulangers qui se chargeaient de la confection des gâteaux car, à cette époque, le sucre était encore inconnu et restait une denrée de luxe. Les pâtissiers, eux, s'occupaient essentiellement des pâtés de viande ou de poisson et des "tourtes". Ils occupaient un peu la place de nos traiteurs actuels. Ce n'est qu'au XVIème et XVIIème siècles que naît la patisserie "moderne".
On en reste sans voix : tant de concision, un style qui ne s'embarrasse pas de fioritures, qui va droit au but, qui laisse sur le chemin tout ce qui est accessoire, tout ça pour donner de l'authentique. Mais il y a malheureusement un détail qu'il a oublié le bougre. L'idée de départ, c'était d'un côté des gâteaux industriels, de l'autre un texte historique qui fait immédiatement oublier l'industriel. Mais notre marketingeur, emporté par son talent d'écriture, a tout fait échouer. Devant son texte sublime, on pleure en pensant à ces siècles de pâtisserie qui ont accouché de cette chose fade et molle sous la dent.





PS : Je déménage samedi, alors pas sûr que je puisse poster la semaine prochaine. Et bonne année aussi les amis.